LA CÔTE-D’OR LIVRE UNE MOISSON 2020 INQUIÉTANTE POUR LA ZONE INTERMÉDIAIRE
La moisson d’été 2020 vient de s’achever en Côte-d’Or. Le constat est, une fois de plus, sans appel dans notre département qui compte une part importante de terres à potentiels moyens, la fameuse « zone intermédiaire ».
5 août 2020 à 14h54 par Franck PELLOUX
Les producteurs en grandes cultures de la FDSEA, des Jeunes Agriculteurs et les membres de l’APPV (Association pour la promotion des productions végétales) se réunissaient ce mercredi 5 août pour tracer un premier bilan de cette récolte globalement mauvaise et très hétérogène, et estimer les pertes économiques subies par les exploitations et la filière.
« Nous avions réalisé une vidéo, en juin dernier à la veille des moissons, pour sensibiliser les instances nationales agricoles, ainsi que nos élus. Le résultat de cette moisson ne fait que confirmer ce que nous mettions en avant, qui tient au dérèglement climatique, c’est un fait, mais aussi à certains choix politiques avec des impacts sur les filières colzas et moutarde », a estimé Jacques de Loisy, responsable de la commission productions végétales de la FDSEA 21.
LA FACTURE DE CETTE MAUVAISE CAMPAGNE: 130 MILLIONS D’EUROS
Dans leur chiffrage, les acteurs de la filière végétale en Côte-d’Or ont estimé la perte de recettesliée à cette moisson entre 85 millions et près de 100 millions d’euros à ce stade. « C’est un chiffre qui cumule 73 millions d’euros de perte de vente de grains, avec les mauvais rendements, et entre 12 et 26 millions d’euros liés au déficit en paille » reprend Jacques de Loisy.
Double peine donc en Côte-d’Or qui compte environ 2/3 d’exploitations cumulant ateliers grandes cultures et élevage, il faudra acheter ailleurs cette paille manquante. La facture est estimée à 32 millions d’euros supplémentaires pour la ferme Côte-d’Or sur ce point.
Entre les recettes (grains, paille) qui ne rentrent pas et les dépenses supplémentaires, le coût de cette mauvaise moisson pourrait donc dépasser les 130 millions d’euros pour les producteurs, et impacter l’ensemble des acteurs de la filière, avec des adaptations rapides nécessaires à la clé.
Dans ce contexte, l’économie des exploitations en sols superficiels est fortement menacée, « d’autant que les mauvaises moissons s’enchaînent depuis maintenant 5 ans », a rappelé Antoine Carré, président des Jeunes Agriculteurs de Côte-d’Or. Lors des échanges, le manque à gagner pour une exploitation classique des plateaux Châtillonnais, a été estimé à près de 60 000 euros en lien avec cette moisson. « Dans un contexte où les prix des céréales restent médiocres,
il faut rappeler que les aides PAC sont dans notre département parmi les plus faibles de France, clairement, elles ne compensent pas le handicap des zones intermédiaires ».
LE CLIMAT ET LA PRESSION DES INSECTES
La campagne a cumulé plusieurs handicaps climatiques : le sec à l’implantation des colzas en fi n d’été ; un coup de froid venteux et du gel fin mars qui a nui aux colzas rescapés mais aussi aux orges d’hiver, qui ont par ailleurs subi des conditions défavorables pendant la méiose ; et bien sûr les 50 jours de sec du printemps (mars-avril) particulièrement impactant sur les terres à faible réserve hydrique avec un nombre d’épis déficitaire.
S’ajoutent également la pression des parasites, avec notamment la grosse altise en colza dont l’influence s’accroit depuis le nord vers le sud Côte-d’Or, en l’absence de solutions phytosanitaires réellement efficaces. « L’avenir est plus qu’incertain pour la tête de rotation de la Côte-d’Or et c’est une vraie problématique. Nous sommes face à une impasse agronomique, amplifiée aussi par les décisions de l’Europe et de la France en matière de réduction des solutions phytosanitaires », ajoute Antoine Carré.
Il y a encore dix ans, la Côte-d’Or se situait avec l’Yonne sur le podium des départements producteurs de colza en France. Depuis 2011, progressivement, le colza avait déjà perdu 10% de ses surfaces. Le décrochage est criant depuis 2018 où la sole des colzas a reculé de plus de 50% : elle se situe aujourd’hui avec 27 000 ha contre 63 000 ha en 2011. La production de moutarde, plante cousine du colza, est elle aussi en train de disparaître en Bourgogne pour les mêmes raisons.
Face au dérèglement climatique, les acteurs de la filière, dont les organismes stockeurs, sont mobilisés pour trouver des solutions avec les agriculteurs des secteurs en zone de faibles potentiels. « Cela se joue sur le front de l’agronomie et de la recherche génétique, avec des variétés plus résistantes au sec notamment, mais aussi en innovant dans de nouvelles productions.
Nous attendons beaucoup de projet comme la méthanisation du seigle fourrager porté par la coopérative Dijon Céréales en secteur Châtillonnais et au nord de Dijon », conclut Didier Lenoir président de l’APPV et vice-président de Dijon Céréales.
Alors que la moisson d’automne (tournesol, maïs, soja) est déjà obérée par la poursuite de la sécheresse estivale, les participants ont regretté l’arrêt de l’irrigation sur la Saône, qui n’est pas particulièrement basse. « Notre capacité à mieux gérer l’eau est un des enjeux majeurs pour l’avenir » a rappelé Jacques de Loisy. « Depuis 40 ans, nous ne pouvons que regarder l’eau d’excédent s’écouler l’hiver alors qu’elle nous manque cruellement en été. Nous devons mettre en place une stratégie de stockage hivernal et de gestion de l’eau pragmatique et non idéologique, à l’image du projet multi-usages qui tente de voir le jour à l’est de l’agglomération dijonnaise ».
EN CHIFFRES : Une moisson d’été très décevante, la récolte d’automne déjà obérée.
Dans un bilan global très médiocre, le blé est la culture qui « tire le mieux son épingle du jeu » en 2020, avec tout de même un rendement moyen en baisse de 10 % (à peine 60 qx/ha). Vrai point positif, la qualité est au rendez-vous pour le débouché meunerie (bons taux de protéines).
Les orges d’hiver affichent un rendement moyen très médiocre de 50 qx/ha, avec une très grande hétérogénéité selon les secteurs, il manque entre 15 et 20 % des volumes d’orges (hiver, printemps) sur l’ensemble du département.
Le colza poursuit sa chute, avec un rendement moyen catastrophique autour de 20 qx/ ha, plus d’un tiers de moins qu’en 2019. La culture de la luzerne, réintégrée de plus en plus souvent dans les rotations, a également beaucoup souffert de ces conditions climatiques. La sécheresse qui se poursuit à l’heure actuelle, impactera fortement les récoltes d’automne (tournesol, maïs, soja) dont les prévisions de rendements ne sont pas encourageantes. La note de cette campagne 2020-2021 risque de s’alourdir encore.
Communiqué de presse