Le centre de la Chartreuse passé au scanner par la chambre régionale des comptes
Dans un communiqué publié cette semaine, la Chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté a livré son rapport d’observations sur la gestion du centre hospitalier la Chartreuse à Dijon. Retrouvez ce rapport ci-dessous.
20 octobre 2019 à 11h30 par la rédaction
La chambre a contrôlé les comptes et la gestion du centre hospitalier La Chartreuse à Dijon concernant les exercices 2011 et suivants.
Le centre hospitalier (CH) La Chartreuse est l’établissement de santé mentale de référence de la Côte-d’Or regroupant cinq secteurs de psychiatrie adulte et un inter-secteur de pédopsychiatrie sur l’ensemble du territoire départemental.
Si la capacité totale de l’établissement demeure pratiquement stable entre 2012 et 2017, le nombre de lits et places pour les deux secteurs de la psychiatrie adulte et de la médecine passe de 434 à 415 sur la période considérée. Cette légère baisse s’explique essentiellement par la fermeture d’une des unités de l’établissement en 2016 (unité Rameau de 22 lits) et par la transformation de l’unité Bellevue d’hospitalisation complète en hospitalisation de jour.
Malgré ces évolutions capacitaires à la marge, l’établissement a su globalement maintenir son activité, même si l’hospitalisation complète a plutôt tendance à diminuer au profit de prises en charges beaucoup plus ouvertes.
La situation financière de l’établissement se montre fragile sur la période en examen. Bien que les résultats des exercices 2011, 2012 et 2014 soient excédentaires, du fait notamment des reprises sur provisions au cours des exercices antérieurs à 2014, le centre hospitalier affiche un résultat déficitaire de 13 678 € en 2013 et un déficit de 1,91 M€ en 2015 ; si le déficit se réduit à 176 686 € pour l’exercice 2016, il augmente à nouveau en 2017 pour atteindre 1,66 M€, ce qui représente 3 % des produits courants de l’exercice.
Cette situation s’explique avant tout par le fait que la dotation annuelle de fonctionnement (DAF), qui représente 91 % des produits de l’activité hospitalière, a diminué fortement sur la période en examen. Le secteur de la psychiatrie échappe en effet toujours au financement à l’activité ; de ce fait, les recettes d’un centre hospitalier de santé mentale ne relèvent que marginalement du financement par la tarification à l’activité (T2A) et l’essentiel des ressources est assuré par la DAF accordée par l’ARS. Or, l’ARS de Bourgogne-Franche-Comté s’est engagé, à compter de 2015, dans une redistribution de l’enveloppe régionale de la DAF entre les différents établissements de santé mentale de la région, considérant que certains étaient surdotés et d’autres insuffisamment pourvus. Le CH La Chartreuse, au vu des études conduites par l’ARS, faisait partie des établissements « surdotés » et, entre 2014 et 2017, la DAF du centre hospitalier a baissé de 1,46 M€.
L’établissement a donc signé, en novembre 2016, un contrat de performance (CPO) avec l’ARS de Bourgogne prévoyant un retour à l’équilibre financier dès 2018 avec une progression constante du taux de marge pour parvenir à niveau proche de 8 % en 2021 ; cette trajectoire financière doit dès lors permettre à l’établissement de reconstituer ses capacités d’investissement mais également de faire progresser ses produits d’exploitation, de réaliser des économies sur les dépenses de personnel, sur les charges médicales et sur les charges à caractère hôtelier. Le CPO prévoit également une limitation des investissements courants à une fourchette comprise entre 3,5 % et 3,9 % des produits d'exploitation et une adaptation capacitaire du centre hospitalier. En juin 2018, un avenant à ce CPO, entre autres mesures, accorde au centre hospitalier une aide financière à la restructuration de 500 000 € pour chacune des années 2018, 2019 et 2020 et reporte ce retour à l’équilibre à 2021.
L’établissement, malgré cette situation financière fragile, dispose néanmoins de marges de manœuvre certaines qu’il devra exploiter dans les années à venir pour se conformer aux engagements du contrat de performance.
Ainsi, une des caractéristiques de l’organisation physique du centre hospitalier repose sur le fait que l’établissement comprend non seulement son siège, situé sur la commune de Dijon, mais également 26 sites extra-hospitaliers répartis dans la ville, sur les communes avoisinantes et sur le département. Cette organisation multisites, si elle repose sur une politique médicale assumée, pèse cependant financièrement et en termes d’organisation sur la gestion de l’établissement. Malgré plusieurs documents et études approfondies, le centre hospitalier ne dispose pas pour autant d’une stratégie patrimoniale formalisée qui permettrait une vision cohérente de la charge patrimoniale et, le cas échéant, d’optimiser le coût de ses implantations. Dès lors, la chambre recommande au centre hospitalier de mettre en œuvre une stratégie patrimoniale globale en vue de réduire la charge liée à son organisation multisites sans remettre en cause sa couverture territoriale.
Par ailleurs, le centre hospitalier dispose, gère, et entretient un patrimoine historique particulièrement important, parfois inadapté à l’exercice de ses activités. La chambre observe à ce sujet que le centre hospitalier ne s’est pas doté d’un budget annexe de suivi de sa dotation non affectée aux soins (DNA), comme le font généralement tous les établissements publics de santé dans ce cas, et que le statut juridique de ce patrimoine privé n’est pas correctement suivi par l’établissement.
D’autres marges de manœuvre existent en terme d’organisation ; ainsi, comme l’a souligné le diagnostic préalable au contrat de performance, le dimensionnement des services techniques pose question à certains égards, en particulier la présence d’une cuisine dédiée au personnel et les effectifs affectés à l’entretien des locaux.
Mais c’est probablement sur la gestion des ressources humaines que l’établissement devra concentrer ses efforts pour les années à venir. Bien que l’effectif total du centre hospitalier ait tendanciellement diminué, les charges consolidées du personnel non-médical augmentent de 6 % entre 2012 et 2017 et celle du personnel médical de 2 %, alors que les effectifs baissent de 2 %. Les choix de gestion des ressources humaines du centre hospitalier ne lui ont pas permis de limiter la progression des charges de personnel sur la période considérée, ce qui rend dès lors difficile la possibilité de se conformer à la stratégie financière préconisée par le contrat de performance signé en novembre 2016 avec l’ARS, modifié par avenant en juin.
Dans le cadre d’une enquête nationale conduite sous l’égide de la Cour des comptes, la chambre s’est penchée sur le personnel infirmier au CH La Chartreuse. Ont notamment été analysées les modalités de gestion du personnel infirmier, la politique de fidélisation des agents, la place des personnels infirmiers au sein des équipes médicales, l’organisation du travail infirmier, les conditions de travail et la formation professionnelle continue de cette catégorie de personnel.
Le personnel infirmier représente entre 36 % et 41 % du personnel non médical sur la période 2011 à 2017 et entre 33 % et 38 % des effectifs totaux de l’établissement. En 2017, l’établissement comptait 361 ETPR[1] d’infirmiers diplômés d’État (IDE). Entre 2012 et 2017, le nombre des infirmiers exerçant une activité psychiatrique, qui représente à elle seule 97 % des effectifs d’IDE, a connu une baisse, passant de 377 à 349 ETPR pour une masse salariale annuelle proche de 14 M€.
Globalement, le centre hospitalier n’éprouve pas de difficulté particulière pour le recrutement de ses IDE et il n’existe aucun secteur sous tension au sein de ses services. Il a même tendance, du fait de la signature du contrat de performance, à adopter une attitude restrictive au regard des recrutements envisageables.
En matière d’organisation du travail infirmier, l’attention de la chambre a été appelée sur la question de l’articulation des activités médicales et paramédicales ainsi que sur la synchronisation des temps de travail médicaux et infirmiers qui semblerait poser problème dans certains services.
Malgré une démarche aboutie de prévention des risques psychosociaux mise en œuvre par l’établissement depuis plusieurs années, le mal être des personnels infirmiers a été souligné à plusieurs occasions, notamment dans un rapport récent commandé par le comité d’hygiène et de sécurité.
Le centre hospitalier a engagé un suivi des dépenses de remplacement des personnels infirmiers qui a permis de réduire pratiquement de moitié leur montant entre 2011 et 2016.
L’établissement attache une grande importance à la formation des personnels infirmiers et son plan de formation s’avère particulièrement complet, faisant l’objet d’un suivi attentif.