Hubert Brigand : « La proportionnelle aux législatives, non merci ! »

Le député de la 4eme circonscription de Côte-d’Or, Hubert Brigand, s’est exprimé sur le sujet de la proportionnelle aux élections législatives.

31 octobre 2024 à 13h35 par Fabrice Aubry

Hubert Brigand est député de la 4eme circonscription de Côte-d’Or
Hubert Brigand est député de la 4eme circonscription de Côte-d’Or
Crédit : Photo d'archive K6FM

Ci-dessous, le communiqué du député Hubert Brigand :

Le serpent de mer sort de l’eau et refait surface : avoir, dans le futur, pour les élections législatives, un scrutin à la proportionnelle ! Ce leurre est réclamé, selon des modalités souvent différentes, par plusieurs formations politiques de gauche, de même par le Modem de François Bayrou, mais aussi par le Rassemblement National qui en a fait une des conditions de son soutien au Gouvernement et à tout le moins, une condition pour ne pas censurer a priori celui-ci. Ces soutiens ont en effet en tête l’idée d’une plus juste représentation des Français, parfois même l’espoir d’obtenir le meilleur score pour leurs listes, et ainsi pouvoir gérer seuls le Pays sans coalition en se libérant des alliances et des contraintes.

Avec la dissolution du mois de juin dernier, décidée par le Président de la République, le débat sur la proportionnelle pour les élections législatives est revenu sur le devant de la scène. Quelles seraient les conséquences évidentes de la mise en œuvre d’une réforme de ce mode de scrutin pensée par des citadins ?

A chacun sa « cuisine », ses objectifs et son analyse sur les retombées positives espérées. Il est important de rappeler que :

Qui dit « proportionnelle », dit « liste bloquée » c’est-à-dire sans panachage ni raturage. Or, les listes seront-elles « départementales » ou « régionales » ? Cette question n’est jamais posée. Elle est pourtant primordiale en raison de ses différentes répercussions. Qui dit « proportionnelle » dit un nombre d’élus pour chaque liste en fonction du score obtenu. Pour rester dans cette logique, se posent alors de multiples questions : La loi imposerait-elle un pourcentage minimum pour obtenir des sièges ? 5%, 10 % ou pas de seuil minimum du tout, ce qui voudrait dire que quasiment toutes les listes auraient des élus ? Il est à espérer que c’est le but recherché par les défenseurs de cette proportionnelle soi-disant égalitaire. Le score est-il acquis au premier tour, ce qui semblerait logique eu égard au raisonnement des défenseurs de la réforme ? Mais certains pensent qu’il faut un second tour si aucune liste n’a obtenu la majorité absolue au premier tour. Le second tour valide les élus éventuellement à la majorité relative ou autre ? L’histoire ne le dit pas … Il est à noter que la projection des résultats des dernières élections législatives de juillet 2024 met en évidence que, si la proportionnelle avait été appliquée elle aurait donné un résultat électoral comparable, c’est-à-dire sans majorité absolue pour gouverner. Alors que faire ? Est-ce la solution tant espérée ?

Vous avez dit « une représentation équitable » ?

Les défenseurs de ce principe, pour justifier le recours à la proportionnelle, proposent alors une variante avec une élection acquise dès le premier tour grâce à une prime majoritaire à la liste arrivée en tête ! Ce qui n’est plus une véritable proportionnelle puisque vous pouvez être en tête avec 35% des voix et obtenir environ 65% des sièges ! En effet, dans cet exemple, la liste arrivée en tête obtient la moitié des sièges plus 1, auxquels s’ajoutent un peu plus d’1/3 (35%) des sièges restant à attribuer. Le Premier Ministre Michel Barnier rappelle que c’est un sujet institutionnel qui ne date pas d’hier. Il pense que dans un premier temps, il faut demander à des experts d’expliquer ce que cela veut dire, où cela nous emmène et quel serait le schéma qui pourrait être retenu. Le Gouvernement doit-il céder aux partis politiques demandeurs qui pourraient, en échange de cette mesure funeste, permettre à Michel Barnier de gouverner la France pendant 10 mois, voire pendant les 3 années qui nous séparent de l’élection présidentielle de 2027 ? Il me semble qu’introduire une dose de proportionnelle dans l’élection des Députés de la Nation achèverait de tuer la Vème République, déjà mise à mal par une dissolution hâtive, mal pensée et inutile.

Que penser des défenseurs d’une solution mixte qui consisterait à élire une partie des Députés à la proportionnelle, l’autre partie au scrutin majoritaire à 2 tours, le tout dans un même département ? Ou alors, comme pour les élections sénatoriales, à la proportionnelle dans les départements les plus peuplés et avec un scrutin majoritaire dans les départements les moins peuplés ? Difficile de s’y retrouver ! Avec la proportionnelle intégrale, finie la représentativité des territoires si chère à nos habitants plus particulièrement ruraux, fini le Député près de chez soi, élu de terrain, accessible et présent au quotidien dans une circonscription bien définie. L’image et la répercussion négative de la proportionnelle déjà existante pour les élections au Conseil Régional doit nous interpeler. Dans la plupart de départements, les élus régionaux positionnés en haut de liste sont issus des principales villes ou des milieux urbains les plus denses, là où se concentre une grande partie de l’électorat. Le reste du territoire n’a que des miettes, les candidats « en queue » de liste étant souvent issus des territoires ruraux. Ainsi, en Côte d’Or, 60% du territoire n’a plus de Conseiller Régional depuis plus de 20 ans. Vous avez bien compris qu’il en serait de même pour les listes aux élections législatives !  

Avec la proportionnelle, c’est donc le parti qui décide des candidats et choisit les élus. Les Députés ne seront alors plus que des élus issus d’appareils politiques. Le parachutage va s’intensifier et va aller bon train. A défaut d’obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale, n’étant pas assurés de parvenir à modifier la loi électorale, certains, au jeu des « petites phrases », proposent de soumettre cette réforme à un référendum espérant ainsi emporter le résultat. On peut légitimement s’interroger sur la question qui serait posée aux français.

Est-ce vraiment l’urgence en ce moment ?

Vous l’avez compris, la proportionnelle aux élections législatives serait la ruine du contact indispensable Député/habitant, qui existe encore, certes seulement en milieu rural. Et alors ?

Pensez-vous vraiment que les coalitions de gouvernement seraient plus faciles, que les consensus se mettraient en place de façon miraculeuse, que les alliances verraient le jour comme par enchantement ? Ne rêvons pas ! Nous assisterions alors à l’omnipotence des petites listes qui auraient un rôle primordial, plus important que leur poids réel. Avec un ou deux élus, elles auraient ainsi le pouvoir de faire basculer les décisions. Est-ce l’objectif recherché ? Que penser de ceux qui, pour faire passer « la pilule », proposent de réduire le nombre de Députés ? C’est un slogan très populaire qui trouve un écho plus particulièrement en ville, beaucoup moins chez nous à la campagne. Vous l’avez compris, avec cette réponse inadaptée, nous acterions la fin définitive de la représentation rurale. Serait ainsi confortée la traditionnelle opposition entre les territoires ruraux perçus depuis Paris comme des espaces de seconde zone et les villes considérées comme l’unique vivier de l’activité économique nationale. Ce sont deux composantes de la France qui ne se comprennent plus. Par ailleurs, faut-il dissocier le calendrier des élections législatives de celui des élections présidentielles en vigueur depuis 2002 ? La question n’est malheureusement jamais posée, mais le problème existe ! Qui se rappelle enfin que, pour la première fois depuis la Constitution de 1958, le Président de la République François Mitterrand fait voter une loi pour instaurer des élections législatives à la proportionnelle en 1986 ? Il lui est alors prêté l’intention de réduire ainsi la majorité de droite dans la mesure où les sondages prédisent une large défaite de la gauche avec le scrutin majoritaire à 2 tours. Or, ces élections donnent finalement une majorité à la droite et conduisent à la première cohabitation avec Jacques Chirac comme Premier Ministre. Les Députés à l’époque ont déclaré qu’on ne les y reprendrait plus et, en 1988, sont revenus au scrutin majoritaire. L’Histoire est un éternel recommencement.

A bon entendeur … 




}