Le tribunal de Dijon et la préfecture mettent les choses au clair

Après l’évacuation par la police du squat de l’avenue de Stalingrad à Dijon fin aout et le dépôt de la part de certains migrants d’une plainte pour violation de domicile, le tribunal de Dijon et la préfecture de Côte d'Or ont tenu à préciser certaines choses ce mardi matin dans un communiqué.

9 octobre 2018 à 11h00 par la rédaction

K6 FM
Crédit : K6FM

Depuis le 5 octobre dernier et le dépôt d’une plainte à notre encontre à l’initiative d’une vingtaine de migrants et de la Ligue des droits de l’homme, une campagne de presse soutient l’allégation que les squatteurs de l’immeuble du 41/43 boulevard de Stalingrad, à Dijon, occupants sans droit ni titre d’un bâtiment du ministère des armées, auraient été « expulsés sans aucun recours à la justice » (sic) et que l’Etat se serait rendu coupable à leur encontre de « violation de domicile ».

Or, comme nous l’avions expliqué lors de l’opération de police du 28 août, c’est bien sous la direction du Procureur de la République, et donc via une opération de police judiciaire, que cette procédure a été menée, dans le cadre d’une enquête de flagrance visant à faire cesser deux infractions présumées, celle visée par les articles 322-1 et 322-3 du code pénal (dégradations en réunion) et celle visée par l’article 413-5 du code pénal (introduction frauduleuse dans une construction affectée ou sous contrôle de l’autorité militaire). Notre souci d’un traitement humanitaire de la situation des occupants potentiellement titulaires de droits à relogement, a conduit le Préfet à assortir cette procédure judiciaire d’une procédure administrative : celle-ci a consisté à mettre à leur disposition les services d’un guichet « relogement » opéré par des travailleurs sociaux de l’association COALLIA et de l’OFII. Parallèlement, toutes dispositions ont été prises pour un traitement dans le respect des personnes. La mobilisation d’associations de protection civile a permis la collecte et la restitution quelques jours plus tard de l’ensemble des effets personnels abandonnés sur le site.

Aucun effort n’a été ménagé pour proposer des solutions aux occupants qui se seront donné la peine de se présenter à la structure spécialement mise en place pour répondre à leurs besoins. Sur les quelques 80 personnes occupant ce squat insalubre, 64 étaient présentes au moment de l’opération de police et se sont vus remettre un document d’information trilingue (français, anglais, arabe) destiné à faciliter leurs démarches. 32 se sont présentés au guichet « relogement », sur lesquelles 24 se sont vu proposer des solutions de relogement dans des conditions dignes (15 en structures d’hébergement et 9 à l’hôtel). Les 50 migrants qui ne se sont jamais présentés au guichet relogement n’ont pu voir leur situation examinée ni, a fortiori, se voir proposer de solution d’hébergement.

Le droit de propriété est un principe de valeur constitutionnelle. Les propriétaires lésés par une occupation sans droit ni titre sont fondés à solliciter la cessation de leur préjudice. Dans le cas des bâtiments de l’avenue de Stalingrad, trois dépôts de plaintes étaient intervenus : de la part de CDC-Habitat, le 20 août, de l’autorité militaire, le 22 août, et de la direction générale des finances publiques – France Domaines, 24 août. Accepter de négocier un bail d’occupation précaire serait revenu à entériner le rapport de force créé par la situation d’effraction et d’introduction frauduleuse dans le bâtiment, et surtout aurait envoyé un signal désastreux à destination des passeurs et autres trafiquants d’êtres humains qui exploitent la détresse des migrants et ne s’embarrassent guère de les loger dans des conditions indignes.   

La valeur d’un traitement des situations individuelles fondé sur le droit plutôt que sur les rapports de force tient à la transparence des conditions à remplir et à l’égalité de traitement ainsi garanties. La contrepartie est que ceux qui ne remplissent pas les conditions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont vocation à retourner dans leurs pays d’origine. Si, depuis le début de l’année 2018, 63 des 116 éloignements ont été des retours forcés, 10 d’entre eux, cependant, ont été des retours volontaires, et 43 des départs avec aide au retour volontaire de l’OFII.

Pour rappel, face à une augmentation constante des demandeurs d’asile (863 en 2017, un chiffre en hausse de 38,5% par rapport à 2016), les services de l’Etat en Côte-d’Or n’ont pas ménagé leurs efforts pour réduire les délais d’instruction et augmenter l’offre de logements disponible. Devant la forte proportion de demandeurs d’asile sous procédure Dublin (48 % en 2017 contre 36 % en moyenne nationale), un pôle régional Dublin a été créé à Besançon pour améliorer leur accompagnement. Par ailleurs, les appels à projets nationaux lancés par le gouvernement, et le travail effectué par la direction départementale de la cohésion sociale avec les différents opérateurs de l’asile, ont favorisé l’ouverture de nouvelles places d’hébergement, notamment en CADA fin 2017 et en HUDA en 2018. La qualité de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile a aussi été améliorée sur Dijon avec l’acquisition par COALLIA du bâtiment des Ateliers. En Côte-d’Or, ce sont ainsi 1 300 places qui sont réservées aux demandeurs d’asile. Le département présente l’un des meilleurs taux d’équipement de la région. Par ailleurs, les publics issus de l’asile occupent également plus d’un tiers des 1 200 places d’hébergement à l’année du droit commun de l’urgence et de l’insertion (dont 70 % des places en hébergement d’urgence).

Sans doute, malgré l’augmentation constante du nombre de places, les structures d’hébergement en Côte-d’Or sont régulièrement à la limite de leur capacité d’accueil. Cette situation est encore accentuée par l’arrivée de flux de mineurs non accompagnés (MNA) en constante augmentation : 414 arrivées en 2017, soit +102 % par rapport à 2016. Alors que les capacités d’hébergement (celles des opérateurs de l’aide sociale à l’enfance ainsi que les capacités hôtelières) sont d’ores et déjà dépassées, des solutions sont collectivement recherchées en mobilisant entre autres les hébergements d’urgence et en ouvrant des places en CAES. L’Etat veille également à la situation des MNA sortant de l’aide sociale à l’enfance et atteignant leur majorité : avec l’ACODEGE, il a pris l’initiative de créer une structure d’hébergement et d’insertion, l’AMMI, en août 2017.

Aussi, à l’heure où est annoncée l’ouverture d’un nouveau squat à Chenôve, dans un immeuble de bureaux privé situé au 30 boulevard Bazin, il est particulièrement choquant que ceux-là même qui préfèrent le rapport de force au respect de l’Etat de droit nous accusent d’avoir cherché à « contourner la loi » (sic). Loin des postures qui, en réalité, font peu de cas des conditions indignes dans lesquelles elles maintiennent des personnes potentiellement éligibles à des dispositifs d’hébergement décents, nous continuerons, Préfet et Procureur, dans le strict respect du principe de séparation des pouvoirs, à faire prévaloir cet Etat de droit qui est le pilier de notre vie en société et le fondement de notre démocratie.

Communiqué du tribunal de grande Instance de Dijon et de la Prefecture de Côte d'Or  




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